Pas facile d'accéder au trône !

Jour 27, 5:30, le réveil sonne pour notre défi d’accéder au sommet du King’s throne, dans le parc Kluane au Yukon. Un beau 15 km avec un dénivelé de 1 125 m et un temps de marche prévu de huit heures. Les sacs à dos et les sandwichs ont été préparés la vielle parce qu’aux aurores, je l’avoue, je ne suis pas la plus vaillante pour couper des bâtonnets de carottes sur une table à pique-nique, alors qu’il fait à peine 10 degrés Celsius dehors! 

 

  On se prépare un déjeuner à manger dans l’auto comme nous avons une heure trente de route à faire pour nous rendre au sentier. Vous avez bien lu, 90 minutes de route à faire sur l’Alaska highway alors que nous sommes déjà dans le parc! Kluane est immense et abrite les cinq plus hauts sommets du Canada dont le mythique mont Logan (5 959 mètres). 

 

  En ouvrant la porte de la roulotte pour quitter, nous constatons qu’il a malheureusement plu sur nos bottes de marche qui tentaient de sécher dehors, alors qu’elles avait été détrempées par le ruisseau que nous avions dû franchir la veille. Véro a l’ingénieuse idée de mettre du papier journal en boule dans nos bottes, ce qui absorbe rapidement une bonne partie de l’humidité, mais on est loin d’avoir les pieds au sec. Qu’à cela ne tienne, nous passons à l’étape de couvrir nos ampoules, notre nouvelle routine matinale.  Ainsi, chaque matin de randonnée, nous mettons du « mule skin » et du ruban medical adhésif sur les blessures de nos pieds avant d’enfiler nos bottes de marche. Si nous avons les pieds couvert d’ampoules avec la qualité de nos bottes et de nos bas, je n’ose même pas imaginer les pieds des premiers colons qui travaillaient dans la forêt. De quoi faire faire une syncope à la dame du Dix-30 qui m’a dit que je devrais plus soigner mes talons alors qu’elle me faisait un pédicure, mais passons.

 

  Alors que nos pieds de guerriers s’apprêtent à quitter le véhicule pour braver la montagne, nous avons la chance de croiser un coyote qui se laisse volontiers prendre en photo. Génial ! 

 

  Nous sommes les premiers de la journée à emprunter le sentier, ce qui fait augmenter le rythme cardiaque de Véro, car elle craint de croiser un ours. Je comprends son inquiétude comme la forêt est très dense autour de nous et qu’un panneau au début du sentier nous explique que les ours et les orignaux parcourent constamment les alentours pour se nourrir. Pour annoncer notre présence aux bêtes, Serge chante le classique « Si tu aimes le soleil, tape des mains ! ». Soit Véro aime vraiment beaucoup le soleil ou elle a foutrement peur des ours, car elle tape des mains avec tant de vigueur que je crains qu’elle se fasse des ampoules! Au rythme auquel on utile le « mule skin » sur nos pieds, on va être rapidement à court si on doit s’en mettre aussi sur les mains…

 

  La montée se fait bien pour les cinq premiers kilomètres. Nous avons une superbe vue sur le lac Kathleen et les montagnes environnantes. Le sentier en lacet est plus abrupte et rocailleux vers la fin de ce segment, mais nous progressons à bon rythme. Une petite pause pour manger et nous nous attaquons à l’ascension du sommet qui est complètement dans les nuages. Le défi s’annonce de taille comme nous devons monter de 710 mètres d’altitude sur trois kilomètres! La pente est si raide que nous devons stabiliser chacun de nos pas et nous aider de nos bâtons de marche pour ne pas tomber vers l’arrière. L’avantage de cette pente abrupte, c’est qu’elle fait rapidement oublié les attaques d’ours potentielles à Véro. D’ailleurs, elle ne chante plus, elle est un peu blanche et ses genoux tremblent à chaque foulée. Par politesse, elle nous dit qu’elle peut poursuivre et que ça ira, mais je n’ai pas de difficulté à m’imaginer ce qu’elle se dit dans sa tête : » Ils sont malades ces deux-là! Comme si ce n’était pas assez de risquer de croiser un grizzli affamé, on va mourir dans un ravin parce qu’ils veulent aller sur un sommet où on ne voit absolument rien à cause des nuages! En plus, ils viennent de me dire que personne ne va venir nous secourir parce qu’on est au fin fond du Yukon et que c’est à nos risques et péril ici ! Maudites belles vacances! Merci papa et Roxane !» 

 

  En voyant Véro chercher son équilibre sur la pointe des pieds alors que les pierres concassées se dérobent sous ses pas , j’ai une image d’elle qui explique à sa mère comment elle s’est cassé un bras. C’est là que nous rebroussons chemin, l’accès au trône du roi ne se fera pas aujourd’hui. En redescendant, je me retourne de temps à autre pour voir si Véro va bien. Malheureusement, elle a maintenant une bosse dans le front, aussi grosse qu’une cerise bien mûre ! Un maringouin l’a piqué et elle fait une réaction allergique. De retour sur le plateau qui donne accès au chemin du retour, Véro s’enduit le front de Benadryl pour tenter de diminuer l’enflure. Misère !

 

  Alors que nous apprêtons à redescendre, nous trouvons jolies les averses qui percent les nuages au loin. Le hic, c’est que le vent souffle dans notre direction et que nous nous retrouvons rapidement sous la pluie. Véro qui avait des doutes sur l’étanchéité de son imperméable n’en a plus, le dit manteau prend littéralement l’eau ! Comme si ce n’était pas assez de joie et d’agrément, les pierres concassées poussiéreuses deviennent boueuses et terriblement glissantes au point de nous faire chuter l’un après l’autre. Le retour est donc plus qu’humide et devient même douloureux pour les genoux à force de glisser. 

 

  Bien que ce texte ait pu vous convaincre du contraire, sachez que c’est magnifique la randonnée en montagne au Yukon ! À preuve, malgré ce sentier difficile, Véro a depuis remis ses bottes pour gravir d’autres sommets. Elle consacre toujours  75% de son attention à surveiller ses arrières, à chanter et taper des mains, mais le 25% qui lui reste lui permet de voir des paysages à couper le souffle !

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