Serge et ses petites cartes

Tenez-vous le pour dit: je déteste jouer à des jeux de société! Je ne sais pas pourquoi, mais c’est comme ça depuis fort longtemps. Si mon souvenir est bon, la dernière fois que j’ai vraiment eu envie de jouer à un jeu de société, c’était « Jour de paie » et je devais avoir 10 ans.

Quand des amis me proposent une soirée de Colons de Catane ou de Monopoli, la nausée me prend littéralement et j’ai envie de m’enfuir en courant. Je préfère faire la vaisselle après le souper et m’occuper des enfants des autres que de rester assise pour jouer à un jeu de société quelconque. Même chose pour les soirées quiz dans un bar, rien à faire, j’haïs ça, je ne veux pas aller là! Pourtant, j’adore m’assoir et jouer avec les touts-petits. Avec eux, je peux faire 48 parties de Serpents et Échelles sans me tanner, mais jouer à Risk avec d’autres adultes, ça m’emmerde au plus haut point. Rien à faire!

Serge, lui, c’est l’inverse! Il aime ça jouer! Je veux dire, il aime VRAIMENT ça. Jouer aux échecs l’emballe au plus haut point, alors que pour moi c’est un véritable supplice. Depuis cinq ans, il essaie de me convaincre que je vais aimer jouer au backgammon, mais non, je ne veux même pas essayer; j’ai une migraine qui commence juste à voir le jeu dans notre armoire. Même chose pour le cribe; aucun intérêt! Ce n’est pas de la mauvaise foi; je vous jure que ça m’horripile de jouer à des jeux de société! Ce serait tellement plus facile socialement d’aimer ça, mais je n’y arrive pas aussi étrange que ça puisse paraître.

Tout ça pour vous dire que, sur la route, Serge aime qu’on joue à se poser des questions de Doctorat ou de Quelques Arpents de Pièges. On a un sac avec les cartes des deux jeux et on pige des questions. En fait, comme c’est quasi toujours Serge qui conduit, c’est moi qui lis les questions. J’avoue que c’est intéressant au niveau de la culture générale et que je peux prendre plaisir à jouer pendant une demi-heure, mais après c’est bon, je suis prête à passer à un autre appel. Serge,  lui,  jouerait pendant des heures! En début de voyage, je lui en posait plus souvent, mais chaque fois que je voulais arrêter, c’était la crise : « Mais là! Ça fait pas beaucoup de questions! Joue encore! Ça fait juste 5 minutes… » À bout de nerfs, j’ai fini par ranger le jeu très loin dans la roulotte. Un matin en me levant, j’ai trouvé Serge seul à la table de pique-nique avec le fameux sac de questions. Il jouait seul le pauvre. Après avoir lu une question, il cherchait la réponse pendant quelques secondes pour ensuite retourner la carte pour valider le tout. En le voyant, j’ai hésité entre le fou rire et la culpabilité; je l’avais réellement privé de son jeu préféré en le cachant.

Ce matin, j’avais envie de lui faire plaisir, j’ai pris cinq cartes de Quelques Arpents de Pièges sans même qu’il me le demande. Une vraie initiative de fille en amour. Je n’aurais pas dû! J’avais oublié à quel point c’était l’enfer jouer avec lui. D’abord, il râle parce que j’ai juste pris cinq cartes. C’est quand même 25 questions, mais non ce n’est pas assez! Ensuite, il chiale parce que je ne donne pas ma réponse avant de retourner la carte pour valider SA réponse. Misère! Je dois connaître 20% des réponses de toute façon, qu’est-ce ça change! Lui, il connaît quasi toutes les réponses et en plus, il a une anecdote ou un commentaire sur chacune. C’est vraiment intéressant, mais parfois, mon homme, il parle beaucoup et il parle longtemps, alors que moi j’ai juste envie de regarder le paysage et chanter du « Adele ».

Mais c’est pas grave, on s’aime, alors je continue de lire les satanées questions. Là il se rend compte qu’on a déjà pigé cette carte là. Alors que je mets donc la carte de côté, il me surveille pour être certain que j’en prenne une autre en échange… Pffff, je ne sais pas ce qui lui laisse croire que je voudrais abréger mes souffrances en prenant une carte de moins…

Pour ajouter à mon plaisir de jouer à un jeu questionnaire, quand je lis des questions, il me coupe la parole pour ajouter des détails sur la réponse qu’il m’a donnée sur la question d’avant. Je capote, on ne s’en sortira pas! Je repose la question et là il part sur un autre sujet parce que ça lui a fait penser à une autre anecdote; je souffre! Je l’aime mon homme et j’aime le fait qu’il soit cultivé et articulé, mais moi, en auto, j’aime ça dormir, chanter et regarder le paysage. Je contre-attaque en lui disant que s’il ne répond pas immédiatement à la question posée, je ne lirai pas les cinq dernières questions. Il s’arrête et répond. Bon! Je lui lis donc une autre question et au lieu de me répondre, il repart dans une anecdote. Pendant qu’il parle, je me tanne et je range les cartes. Je ne veux plus jouer, c’est trop long et de toute façon je n’aime pas ça les jeux de société! Est-ce que ça brûle bien des cartes de jeux questionnaires dans un feu de camp?

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