La Mygale

  Petit dimanche relaxe, on en profite pour dormir. En fait, j’en profite pour dormir pendant que Serge lit en buvant du café. En fin d’après-midi, on décide d’aller marcher un peu sur le « Chinle Trail », un sentier peu fréquenté qui n’est pas très loin de notre camping.

  Le sentier est très joli avec des cactus ici et là, quelques fleurs jaunes et des milliers de petits arbustes. Au début du sentier, une affiche indiquait d’être vigilants, car des cougars ont déjà été vus sur ce parcours. En marchant, je balaie donc le paysage du regard question d’éviter de tomber nez à nez avec un lion de montagne sans l’avoir vu venir, mais rien à signaler; aucun félin en vue.

  Le soleil commence à descendre quand on s’arrête pour boire un peu d’eau et regarder s’il est l’heure de faire demi-tour pour ne pas se faire prendre par la noirceur. Serge regarde l’heure sur son téléphone alors que je prends une gorgée d’eau. Pendant que j’ai la tête inclinée vers l’arrière pour boire dans la gourde, je vois vaguement quelque chose bouger par terre. Je me dis que ça doit être encore un petit lézard comme il y en a vraiment beaucoup dans le coin. Je remets ma tête bien droite pour avaler ma gorgée et mieux voir ce que c’est. J’ai encore de l’eau dans la bouche quand je constate que c’est une tarentule qui est à quelques centimètres de Serge. En avalant ma gorgée, je tire Serge vers moi en le prenant par le bras .

  Serge : «Qu’est-ce qu’il y a?»

  Moi, d’un ton étonnamment calme pour une fille qui a peur des araignées comme c’est pas possible: « Tu as une mygale à côté du pied. ».

  Serge en faisant un bon de côté: « QUOI?!?!? »

  La mygale avance à un bon rythme sur le sentier, puis elle s’arrête subitement. Serge la filme avec sa GoPro. 

  Apeurée, mais fascinée, je décide de sortir la caméra qui est dans le sac à dos pour prendre quelques photos. Pendant que je fouille dans le sac, l’araignée se remet à bouger, mais elle a fait demi-tour et elle fonce directement sur nous. Elle avance très rapidement; elle nous charge carrément! Serge se met à courir* pour l’éviter, mais comme je suis derrière lui, la main dans son sac à dos, je ne vois rien de ce qui est en train de se passer. Mon réflexe est de m’accrocher au sac de Serge et de courir derrière lui en criant; « WRAAAAAAAAAh! Qu’est-ce qu’il y a? »

  La mygale finit par arrêter sa course. Cette fois, elle ramène ses pattes vers son corps.

  Moi: « Bordel… Pourquoi elle fait ça? » C’est à ce moment là que je me souviens d’une recherche sur le castor que j’ai faite en 3e année primaire et je me dis que ça aurait vraiment été plus utile d’avoir choisi la mygale comme animal!

  Serge, aucunement rassurant: « J’ai déjà vu un documentaire à la BBC sur les mygales et elles peuvent se mettre en boule pour rouler dans les dunes de sable ».

  Moi: « D’un coup qu’elle ramène ses pattes vers elle pour avoir plus de puissance pour nous sauter dessus? »

  Après quelques secondes, elle déplie ses pattes et se remet à marcher sur le sentier. Serge dépose sa GoPro quelques mètres devant elle, question de la filmer de près quand elle passera. J’ai un flash d’avoir lu quelque part que les poils de mygales peuvent être très irritants. « Fais pas ça! D’un coup qu’elle laisse des poils sur ta GoPro. Ça va t’irriter! » Serge me regarde en sourcillant. « Ben quoi, ça se pourrait… » que je lui réponds en doutant de mon affirmation.

  On a observé l’araignée, à quelques mètres de distance, pendant plusieurs minutes avant de rebrousser notre chemin. Sur le retour, on inspecte le sol à chaque pas! Visiblement encore un peu nerveuse, je pousse un cri de panique alors qu’un minuscule lézard passe près de mes pieds. Serge crie à son tour en m’entendant crier; il semble qu’il soit encore un peu sur le qui vive lui aussi.

*Serge refuse d’admettre qu’il a couru. Il préfère dire qu’il a fait des pas latéraux rapides en levant les genoux très haut…